Les jeux de cartes populaires à l’étranger

jeux de cartes

A quels jeux de cartes joue-t-on chez nos voisins et dans les contrées lointaines ? Nous avons fait cette difficile exploration pour vous et nous vous proposons ici de les découvrir ou redécouvrir.

Retour aux origines : l’Asie

La Chine, berceau du jeu de cartes

L’Empire du milieu aurait inventé l’ancêtre yeh-tzâ (jeu de feuilles) dès le IIIè siècle après J.C, sous la dynastie jin, d’après les écrits du Dr Williams dans son Syllabic Dictionnary où il traduit le terme par “un nom ancien désignant les cartes à jouer”. Il existe d’autres nombreuses preuves permettant d’étayer la thèse de leur origine chinoise, la plus marquante étant un décret en 1130 de l’empereur Kao-Tsung régulant les divertissements, dont le “teen tzse pae” (cartes en pointillées). D’autres auteurs certifient également l’existence de tels divertissements à l’image des “Quelques considérations sur les jeux en Chine et leur développement synchronique avec celui de l’Empire Chinois” du Capitaine Georges Edward Mauger.

Malgré tout, apparenter nos divertissements occidentaux au teen tzse pae ou au yeh-tsâ serait beaucoup s’avancer. La seule influence qui aurait pu être plausible serait celle des Tartares, cette tribu ayant adopté massivement le yeh-tzâ, mais on ne retrouve pas assez de preuves pour pouvoir affirmer une quelconque ascendance sur les versions occidentales.

Japon : inspirations et adaptations

Si la Chine n’a pas eu de réelle influence sur l’Europe dans ce domaine, il n’en est pas de même pour le Japon. Comme pour la plupart de ses divertissements, l’île nippone s’est inspiré du yeh-tzâ, notamment pour le hana-awase, toujours pratiqué aujourd’hui comme variante du hanafuda. On peut d’ailleurs remonter au 7è siècle après J.C, avant le repli du Japon sur lui-même, où le hua-ho se retrouve sous format de coquillages peints dans un divertissement basé sur le “matching”. Mais le premier vrai jeu de cartes a été importé par les Portugais vers 1550, pendant la période féodale, appelé carta ou “karuta” en japonais. On peut dater les premiers exemplaires fabriqués sur l’île de Kyûshû en 1575.

Le “karuta” se joue selon le principe du “matching”. Il est composé d’un recueil de 100 poèmes (Hyakunin Isshû) et il est séparé en 2 parties. Un lecteur lit les 100 poèmes et les joueurs doivent alors prendre la pièce correspondante. D’apparence simple, ce divertissement comporte un certain degré de difficulté. Il faut en effet reconnaître les syllabes déterminantes le plus rapidement possible, pour être le premier à sélectionner la bonne 2è moitié du poème. Certains poèmes peuvent en effet commencer par la ou les mêmes syllabes et il faut attendre celle qui diffère.

Les jeux de cartes en Europe

Si les Portugais sont à l’origine du “karuta” japonais, ce n’est pas par hasard. En effet, ils remontent en Occident à la fin du XIVè siècle, où ils apparaissent en Catalogne, en Espagne, en Allemagne, à Florence et en France. Ces divertissements déclenchent alors les foudres de l’Eglise et l’embarras des pouvoirs politiques mais qui, selon Jean-Michel Mehl, n’arrivent pas à arrêter l’engouement des européens pour cette nouvelle source de plaisir.

Chez nos voisins méditerranéens

L’Espagne est l’un des pays précurseurs. On leur doit entre autres la manille, la ronda, la brisca, l’aluette, le jeu de l’hombre, et surtout le tute. Ce dernier est l’un des plus populaires encore aujourd’hui et il connaît de nombreuses variantes.

Le tute

  • Le principe

Il se joue à 2,3 ou 4 joueurs. Si le nombre de joueurs est pair, il se joue alors en couple. Il s’apparente de beaucoup à la belote, notamment dans son principe. Il faut en effet remporter le plus de plis possibles pour marquer un maximum de points. Autres points communs : si vous ne possédez pas la couleur demandée, il vous faudra “couper”, c’est-à-dire jouer de l’atout. Or la couleur d’atout ‘appelée aussi or) est déterminée avec la première carte du talon retournée.

  • La composition

Il comporte 40 cartes à enseigne espagnole (appelé aussi baraja), “oros”, “copas”, “bastos”, “espadas”, soit 10 de chaque série.

Elles sont hiérarchisées de la manière suivante : As, 3, rey (roi), caballos (chevalier), sota (valet), 7, 6, 5, 4, 2. Le décompte des points se fait comme suit :

  • As = 11 points
  • 3 = 10 points
  • Rey = 4 points
  • Caballo = 3 points
  • Sota = 2 points

Le reste compte pour 0 point.

A noter que certaines variantes incluent également le 8 et le 9, soit 48 cartes et 12 de chaque série.

  • Le déroulement :

Le deck n’est mélangé qu’une seule fois pendant toute la partie, mais est coupé après chaque tour. Le donneur en distribue 6 à chaque joueur et retourne la carte supérieure du deck. C’est ensuite à la personne opposée au donneur de commencer, ou, dans certaines variantes, ce sera à celui possédant le 2 d’or (soit celui de la couleur demandée). Le joueur qui gagne la levée pioche alors, et il est imité par le joueur partenaire qui prend la suivante. La dernière est retournée et détermine la couleur de la retourne, soit la deuxième couleur la plus importante après les ors. La partie se termine lorsqu’un participant atteint les 101 points, ou dans certaines variantes, atteint le nombre de mains gagnantes définies avant le début du tour.

Les divertissements italiens ont autant d’ancienneté que ceux de leurs voisins latins, et adoptent d’ailleurs la même numérotation (de 1 à 7 avec le valet/dame, le cavalier et le roi) ainsi que les enseignes identiques (oros, bastos, espadas, copas). Mais leur nombre est plus limité et nous en retiendrons 2 : la briscola et la scopa.

La briscola

Elle s’apparente très fortement au tute. Quelques différences sont à noter cependant :

  • Tous les joueurs piochent à la fin du tour
  • Tous les joueurs doivent posséder au moins 3 cartes
  • Le gagnant est celui ayant remporté le nombre de manches préalablement déterminé de manière arbitraire.

La scopa

Si son but est simple (il faut réaliser 11 points en premier), son fonctionnement l’est moins. 2 adversaires se font face avec en main 3 cartes chacun, et il faut remporter celles qui sont retournées (au nombre de 4) en posant l’équivalent numérique pour marquer des points.

Exemple : si vous avez dans la main un 7, et que le donneur retourne un As et un 6, alors vous pouvez ramasser l’As et le 6. Là où ça se complique, c’est que vous ramasserez automatiquement le plus petit nombre de cartes. Dans notre exemple, si le donneur a également retourné un 7 d’une autre couleur, alors vous devrez prendre le 7 à la place de l’As et du 6.

La scopa tient son nom de son coup ultime : faire scopa, c’est-à-dire toutes les rafler d’un coup (scopa se traduit par balai).

A noter : les jeux italiens se jouent avec les napoletane (enseignes italiennes).

Sur le reste du continent

Les jeux anglais

On peut les dater à partir du milieu du XVè siècle grâce à un acte du Parlement, interdisant l’importation de cartes étrangères. Néanmoins, celles dont on a gardé la trace proviennent de designers de Rouen, comme Pierre Marechal ou Valérie Faucil.

Le nombre de divertissements anglais est impressionnant et il est inutile de les énumérer tous. Nous n’avons donc choisi que les plus joués pour vous en expliquer les règles.

Le crazy eight

Plus connu aujourd’hui sous le nom du Uno, il consiste à poser toutes ses cartes en premier, suivant un ordre logique. Vous pouvez poser si elle porte le même chiffre ou la même couleur. Par exemple, si celle qui est retournée est un 8 de coeur, alors vous pourrez mettre soit un 8 soit un coeur. Celle retournée est bien entendu celle que l’adversaire aura posée avant vous.

Son déroulement est simple : le donneur en distribue 5 à chacun (ou 7 pour 2 joueurs), puis place les autres face cachée pour constituer le talon. Il retourne ensuite la première et la partie peut commencer. Attention, si elle est un 8, alors le donneur la place en dessous du talon et retourne la suivante.

Si le joueur devant poser n’a ni le rang demandé ni la couleur, alors il en pioche une du talon.

La version basique jugée trop ennuyeuse par la majorité connaît beaucoup de variantes. Les plus connues attribuent des fonctions spéciales à certaines cartes. Ainsi, le 7 fait passer son tour au joueur suivant, ou l’As fait en fait piocher 4 au joueur situé après vous. A noter : le 8 garde son privilège dans toutes les variantes, il permet à celui qui le pose de déterminer la couleur à jouer.

Le whist

Il est en fait l’ancêtre du bridge. Il s’approche de la belote mais présente quelques différences fondamentales, notamment dans son décompte de points et ses règles.

Le Napoléon

Il peut ressembler à la belote avec annonce. Il faut miser, et annoncer le nombre de plis que l’on compte gagner. Le joueur avec la plus forte annonce est l’attaquant, et le reste des participants doivent donc l’empêcher de réaliser son pari. Pour le reste, il adopte les règles de la  belote avec un système d’atout.

Les jeux allemands

Pour ce qui est de l’Allemagne, un seul paraît réellement “local” : le skat. Il existe bien sûr d’autres divertissements comme le schafkopf (version allemande de la belote), mais ce ne sont que les noms germaniques pour désigner les versions qui se jouent aussi en France.

Le skat s’apparente de loin au tarot à 3 joueurs. On a un “déclarant”, appelé aussi preneur, 1 donneur qui ne joue pas, et 2 défenseurs. Le but est de récolter au moins 61 points. Dans certaines variantes, on peut fixer cette limite à 90 points, ou décider que le gagnant est celui qui perd toutes les levées. La ressemblance avec le tarot s’arrête au système d’enchères qui détermine le preneur. Entre un jeu de 32 pièces, l’absence de cartes d’atout spéciales et le système de points, le skat est réellement unique en soi.

  • Le déroulement

Tout d’abord, le donneur distribue de droite à gauche trois par trois, puis en dépose 2 sur le tapis (c’est le skat). Il donne ensuite le reste par lot de 4 pour finir avec 3 cartes. Chaque joueur en tient alors 10 dans sa main. C’est le moment des enchères.

Son système d’enchères se déroule selon la valeur des cartes et des couleurs que l’on a en main. Chaque couleur a son propre coefficient multiplicateur, et chaque valet implique une enchère différente.

Par exemple : vous avez en main un valet de pique et un valet de trèfle. Trèfle a un coefficient de 12 et Pique de 11. Vous déclarez alors “avec 2” puisque vous avez le valet de pique et le valet de trèfle. Sachez également que le coefficient est supérieur de 1 au nombre de valets possédés. Ces coefficients et le nombre de valets possédés ou non vous donne les enchères que vous pouvez réaliser. Il faut en effet que l’enchère atteigne au moins 32. Ici, vous avez 2 valets, soit un coefficient de valet de 3. Pique a un coefficient de 11. Vous pouvez donc faire un contrat au minimum à Pique puisque 3*11=33. Un contrat à coeur serait ainsi impossible : 3*10=30 ce qui donne un résultat inférieur à 32.

  • Compter les points

Les cartes sont classées hiérarchiquement selon cet ordre :

  • As (11 points)
  • 10 (10 points)
  • Roi (4 points)
  • Dame (3 points)
  • Valet (2 points)
  • 9-8-7 (0 points)

On a donc 120 points au total, et le contrat est réalisé si l’on obtient 61 points à la fin.

Les jeux russes

Allons encore plus à l’Est de l’Europe : la Russie. Le plus connu des divertissements russes est sans conteste le durak, dont l’équivalent français pourrait être le Président. Son fonctionnement est effectivement relativement proche, le but étant de se débarrasser le plus vite possible  de ses cartes pour ne pas être le “durak” (ce qui se traduit d’ailleurs par imbécile ou benêt). Le durak se contente de distribuer , et c’est pourquoi c’est un rôle “déshonorant”.

Nous avons donc un donneur (le durak), et de 2 à 6 joueurs. Le durak est un duel et ne donne qu’un gagnant et qu’un perdant, ce dernier revêtant le rôle de durak.

Ce divertissement est assez simple en soi. Il comporte 32 cartes, hiérarchisées du 6 à l’As comme pour une bataille classique, et d’une couleur d’atout. La couleur d’atout est supérieure à toutes les autres couleurs, mais on y applique la même hiérarchie. Ainsi, un As de pique (si la couleur d’atout est pique) ne pourra pas être surmonté.

S’ensuivent alors les phases d’attaque et de défense. L’attaquant produit une carte et détermine ainsi la couleur. Le défenseur doit en jouer une supérieure de la couleur demandée ou couper avec de l’atout. Si l’attaquant met un As, alors le défenseur n’aura d’autre choix que de couper. Quand les atouts et le talon sont épuisées, le joueur ayant tout déposé quitte la table.

Le talon sert à “renflouer” les attaquants ou les défenseurs lorsqu’ils en ont moins de 6 après une bataille.

Si son fonctionnement est simple, la stratégie qui en découle l’est beaucoup moins. Le défenseur sera toujours seul alors que l’attaquant peut solliciter l’appui d’autres joueurs. Il peut ainsi demander aux autres de suggérer une couleur pour renforcer son attaque, mais lui seul peut attaquer.

Les attaques peuvent également être multiples, mais sont soumises à des conditions très strictes. Par exemple, le défenseur n’est plus obligé de surmonter strictement l’attaquant, ou le nombre d’attaques ne peut dépasser le nombre de cartes que possède le défenseur.

C’est véritablement pour son côté stratégique que le Durak est conseillé au + de 14 ans, les compétences étant une composante majeure.

Un peu d’exotisme

Bahamas, en route pour la plage !

Certains divertissements ont des noms qui évoquent l’exotisme, comme le “Bahamas”. En fait, c’est une réussite tout ce qu’il y a de plus classique. Le meilleur moyen d’y jouer est encore sur internet, le Bahamas étant totalement gratuit. Il vous faudra cependant installer Adobe Flash Player. Rassurez-vous, ce logiciel est totalement gratuit et se télécharge sur le site d’Adobe.

Irak : payez vous la tête de criminels de guerre

Si vous voulez jouer avec des anciens dirigeants, déclarés criminels de guerre, alors procurez vous le jeu irakien. L’administration Bush a édité 52 cartes où sont représentées les visages des irakiens les plus recherchés au moment où la guerre a commencé. Nommé “Irak : Most wanted”, il est disponible sur plusieurs sites, notamment Naturabuy, pour une valeur de 50€. Avoir la tête de criminels de guerre a donc bien un prix!

Les cartes et l’Islam

Il existe un débat sur l’interdiction d’y jouer par l’Islam. En fait, deux factions s’opposent :

  • “l’Islam pur”
  • “L’islam modéré”

Pour ces deux factions, jouer avec de l’argent est interdit. Mais pour les modérés, si vous ne misez pas, alors la pratique est tolérée, “tant qu’elle ne monopolise pas votre temps libre”. Nous vous laisserons donc seuls juges de ce qui est “haram” (interdit en arabe).

Jeux Tamoul : des secrets bien gardés

Les informations sur les jeux de cartes traditionnels des Tamouls sont particulièrement difficiles à dénicher, à tel point qu’on peut se demander s’ils en ont. Ils semblent cependant avoir adopté ceux des Indiens. On peut ainsi jouer au Ganjifa dans le Sud de l’Inde. Elles sont d’ailleurs hiérarchisées de 1 à 10 avec un ministre et un roi, un peu à la manière européenne. De plus, le Ganjifa ressemble de près au poker, avec des hiérarchies de mains telles que le full, brelan, 2 paires, 1 paire. Par contre, leur composition est totalement différente. Premièrement, il existe 5 couleurs :

  • Lion et Soleil
  • Roi
  • Dame
  • Soldat
  • Lakat (chose de peu de valeur).

Et deuxièmement, elles sont rondes. C’est vraiment avec des éléments de culture de ce genre que l’on ressent l’exotisme.