Parmi les cartes soigneusement rangées par couleur du 2 à l’As, se dissimule parfois un personnage aux habits multicolores, coiffé d’un étrange chapeau à grelots… Le joker. Bouffon espiègle aux facultés de caméléon, il sème régulièrement la pagaille au sein des jeux de cartes. Quand est-il apparu ? Dans quels jeux sévit-il, et de quelle manière ? Nous vous dévoilons tous ses secrets.
Les origines d’une carte pas comme les autres
Certains estiment que l’on peut faire remonter son existence à la création du Tarot de Marseille, utilisé dans la pratique des arts divinatoires : le 22ème atout, qui ne comporte pas de numéro, est appelé le Mat ou le Fou. Son costume, inspiré de celui des troubadours médiévaux, ressemble fortement à celui du joker.
Cependant, son apparition “officielle” remonte au XIXème siècle, au sein d’un jeu anglo-saxon : l’Euchre. Sa valeur est considérable, puisqu’il représente l’atout la plus élevée : il assure donc à l’équipe qui le possède de remporter un pli. Sa dénomination à l’époque était de Juker (à prononcer “youqueur”) : il est donc probable que le mot contemporain dérive de celui-ci, et non du verbe anglais to joke (plaisanter), comme la croyance populaire le laisse entendre.
Une autre possibilité rattache son nom à celui du poker, dont il est l’homonyme à une lettre près. S’il a disparu dans les variantes contemporaines comme le Texas Hold’Em ou le Omaha, il faisait jadis partie du jeu. La main la plus forte n’était alors pas la Quinte Flush Royale, mais la combinaison de 5 cartes identiques (un carré + le fameux joker).
Joker au rami : une aide précieuse
Le plus célèbre des jeux de cartes à l’utiliser est sans doute le rami. L’objectif de ce divertissement, qui oppose de 2 à 4 joueurs, est de réaliser des combinaisons : suites (au moins 3 qui se suivent), brelans (3 de même valeur mais de couleurs différentes) ou carrés (comme le brelan, mais avec 4 cartes).
L’utilisation du joker au rami est primordiale, car il peut remplacer n’importe quelle carte : il permet ainsi de combler les brèches au sein de combinaisons imparfaites. Il est également possible de le subtiliser s’il est posé sur la table par un adversaire. Cependant, les règles du rami soumettent cette technique a des conditions précises :
- Il faut posséder dans son jeu la carte qui s’insère correctement dans la combinaison de l’adversaire
- Il faut impérativement avoir déjà posé une combinaison sur la table
- La combinaison ciblée doit être un carré ou une suite, pas un brelan
De plus, si l’on est tenté de le conserver jusqu’au dernier moment dans son jeu, pour ne justement pas l’exposer au chapardage des autres joueurs, il est dangereux de le faire trop longtemps : en effet, la valeur du joker au rami est de 20 points, ce qui est considérablement sachant que les cartes du 2 au 10 valent de 2 à 10 points (les figures valent 10 points et les As 11).
Comme le but du jeu est d’avoir le moins de points possibles à l’issue de la partie, un malus de 20 points est extrêment dommageable. Toute la stratégie est donc là : le joker est généralement un atout précieux, mais mal utilisé, il peut se transformer en véritable fardeau.
Dans les règles de 13 brasses, une variante du rami avec des cartes à jouer, le joker change à chaque “brasse” ; c’est à dire qu’à chaque tour, une hauteur de carte est dite “frimée” : elle joue le rôle d’un joker (d’abord les As, puis les 2… jusqu’aux Rois lors de la dernière brasse). Les joueurs doivent réaliser des combinaisons d’au moins 3 cartes, comme au rami, et se défausser le plus rapidement possible de leur main. Dès que cela arrive, les autres participants marquent des points en fonction de ce qu’ils possèdent toujours en main (1 point pour un As, 2 pour un 2… jusqu’à 13 points pour les Rois. Les cartes frimées coûtent 25 points).
Joker rummikub, tarot, UNO, Scrabble… Des apparitions multiples
Ce personnage multiforme apparait en effet dans de nombreux divertissements ; principalement des jeux de cartes, mais sa zone d’influence est encore plus étendue.
Au rummikub, si son utilisation est très similaire à celle du rami (ce qui est logique, les 2 divertissements étant eux-même fort proches), elle est également légèrement moins contraignante : en effet, il est possible de manipuler les jokers (au nombre de 4, contre 2 au rami) à notre guise, quelle que soit la combinaison.
Sa puissance est encore plus nette au Uno : non seulement il permet au joueur de ne pas se retrouver bloqué s’il ne sait plus quoi jouer, mais sa variante +4 oblige votre adversaire à piocher 4 cartes supplémentaires !
Le cas du tarot est un peu différent. L’un des 3 oudlers (ou “bouts”) est l’excuse, dont le costume bariolé n’est pas sans créer une certain équivoque… Si, dans les faits, elle peut être jouée à tout moment, elle ne peut remporter le pli, et donc ne remplace pas à proprement parler la carte de son choix. Cependant, elle reste jusqu’à la fin de la partie la propriété du joueur qui la détient.
Mais le joker ne se limite pas au seul domaine des cartes : le plus célèbre des jeux de lettres, le Scrabble, en fait bon usage également. Au nombre de 2, ils permettent de remplacer n’importe quelle lettre, et facilitent donc grandement le rôle de leur propriétaire. Cependant, ils ne rapportent aucun point, quelle que soit la lettre dont ils prennent la place.